samedi 1 novembre 2008

Time's Up

Hier soir, dîner entre amis, et nous avons terminé la soirée par un jeu de société, Time's Up, qui consiste à faire deviner le nom d'un personnage ou d'une personne célèbre, en trois étapes : d'abord, on fait deviner à son équipier le nom en disant tout ce qui nous passe par la tête par association d'idées ; ensuite, on doit faire deviner le même lot de noms mais en ne donnant qu'un seul mot ; enfin, on n'a plus le droit que de faire des gestes. Un jeu sympa qui ne manquera pas de réveiller l'épileptique qui sommeille en chacun de nous.

dimanche 26 octobre 2008

Âmes sensibles, s'abstenir...

Prenez une charlotte, prenez une jolie pépé, un doigt de chantilly et la soirée part en sucette !

vendredi 24 octobre 2008

Et ils connurent qu'ils étaient perdus...

Les Quatre quittèrent Babylone pleins d'entrain et parcoururent ses faubourgs et descendirent enfin de leurs montures. Et ils marchèrent dans les froides plaines de la campagne inconnue. Ils marchèrent tant qu'ils arrivèrent à l'orée d'un bois sauvage et inhabité. Et ils connurent qu'elle les accueillerait, pèlerins éperdus, et les protègerait du froid et de la faim. L'air frais emplissait leur sein. Affamés, ils s'arrêtèrent pour ramasser les fruits de la terre. Et ils remplirent leurs paniers des fruits que Yahvé avait laissés là pour eux. Rassasiés, ils connurent qu'ils devaient repartir et ils prirent le chemin du retour. Le soleil déclinait et ils remercièrent Yahvé des présents de l'Eden, et ils s'endormirent sur leur monture.

samedi 20 septembre 2008

Tuer n'est pas jouer.

Aujourd'hui, triste jour à double titre. J'ai vu un homme mort ce matin sur un trottoir de la rue vieille du Temple, que les pompiers tentaient de réanimer, en vain. J'y suis repassé une demi heure après, la vie avait repris son cours normal, les piétons foulaient l'endroit funeste, inconscients du drame qui venait de s'y dérouler. En rentrant, mon "Envahisseuse" est venue prendre le thé et je lui ai parlé de mon pauvre scalaire malade depuis un mois et demi, et qui flotte à la surface de l'aquarium, sans que je puisse lui apporter le moindre remède. L'animalerie que j'ai consultée m'a conseillé des méthodes d'euthanasie sympathiques : mettre le poisson vivant dans l'huile pour l'asphyxier ; le placer dans un sac et le claquer contre un meuble ; le mettre dans un pot avec une pastille d'eau de javel... J'ai préféré une autre méthode : placer le poisson dans un sac rempli d'eau glacée. Seulement, c'est bien facile à dire tout ça, mais plus dur à faire quand on n'est qu'une chochotte. J'ai donc demandé l'aide de ma charitable "Envahisseuse" et elle m'a débarrassé de la victime après le méfait. Quand je vois la misère que c'est, pour moi, de soulager un simple poisson, j'espère ne jamais être confronté à cela pour un humain.

dimanche 14 septembre 2008

Dis-moi qui est le plus beau...navet.

Mirrors, bande-annonce alléchante, thème a priori intéressant (l'image qui a sa propre réalité), je me suis laissé convaincre. Le film démarre très vite très fort mais, une fois passé le dégoût des scènes gores et après avoir sursauté deux ou trois fois dans le premier quart d'heure, l'invraisemblable prend tellement le dessus que l'on a du mal à retenir son rire. Le thème de la schizophrénie était amorcé mais ce filon est vite écarté, et l'on ne retient plus qu'un Super-Jack-Bauer garant des bonnes valeurs familiales et une Soeur-Sourire-Ravageur aux relents d'Exorciste. Quand les scénaristes comprendront-ils qu'on en a assez de la bonne morale à deux sous ?

jeudi 28 août 2008

Ah les grandes vacances !

Vous vous êtes peut-être dit, un jour, que les profs passaient leur vie en vacances. Je vais faire un commentaire en tant que prof, défendant ma propre paroisse. D'abord, les dates de ces vacances me sont imposées. Ensuite, sachez qu'à l'origine, les profs étaient payés sur dix mois (sans juillet et août) et qu'afin de leur rendre la vie plus facile, on a divisé leur salaire annuel par douze et qu'on a réparti ça sur douze mois. Enfin, il faut distinguer les petites des grandes vacances : pour ma part, les petites vacances servent à corriger les copies, à m'avancer dans le programme pour les semaines qui suivent et à profiter un peu des amis et de la famille ; certaines vacances passent très vite, comme à Noël et Nouvel An. Les grandes vacances, je les passe à renouveler mes cours pour les perfectionner, à réfléchir à ma progression annuelle, à chercher de nouvelles idées ou de nouveaux documents, et à profiter quand même un peu du temps libre pour enfin dormir ou sortir. Quel bonheur en effet de ne pas avoir à parcourir mes 4h15 de trajet quotidien et de pouvoir me lever à l'heure que je veux ! Les deux dernières semaines des grandes vacances sont horribles pour moi cette année car, figurez-vous, j'ai eu l'idée de vouloir changer la méthode de mes cours : donc tout à reprendre. Deux niveaux, neuf séquences par niveau, quinze séances par séquence en moyenne, trois heures de préparation en moyenne par séance, plus les contrôles à taper, vous faites le calcul. J'ai à peine eu le temps de préparer ma première séquence. Sans compter le stress de la rentrée qui approche. Je ne cherche pas à me faire plaindre mais à rétablir un peu de réalisme dans l'imaginaire collectif.

samedi 16 août 2008

Ca déchire la toile !

Je vous conseille le dernier Batman - The Dark Knight, qui m'a agréablement surpris, moi qui ne suis pas spécialement fan de Comics. Ce film comporte d'excellentes scènes d'action, une ambiance sombre très prenante, une tension dramatique exquise, et ses contradictions ne peuvent que nous charmer : le monde ne se partage pas entre gentils et méchants, et chaque personnage cultive sa psychopathie et ses doutes. Mon personnage préféré est sans aucun doute le Joker, car sa morale est très dérangeante. Quelques incohérences dans le réalisme se justifient par la source Comics du film, et restent donc acceptables.

mardi 12 août 2008

Otages de Paris.

Si vous êtes passé(es) devant l'Hôtel de Ville depuis la libération de Mme Betancourt, vous avez sûrement vu cette affiche : "Paris s'engage pour la liberté de tous les otages dans le monde." Quel joli effort d'humanité... Mais franchement, mesdames et messieurs les experts en communication de la Ville, vous pensez vraiment que l'on va gober vos salades ? Qui peut croire que la France a la volonté et le pouvoir d'intervenir pour faire libérer tous les otages dans le monde ? On enverrait des dignitaires français dans la bande de Gaza pour faire libérer un soldat israélien, au risque de se mettre à dos les pauvres combattants du Hamas, victimes depuis tant d'années de la dévorante Israël ? A qui veut-on faire croire que la France a encore le moindre pouvoir pour régler des problèmes aussi délicats que les prises d'otages politiques, alors qu'elle est incapable de peser dans la balance diplomatique mondiale depuis des décennies ? A mon humble avis, le slogan de l'affiche manque de précision, et l'on aurait dû lire plutôt : "Quelques personnes travaillant à la Mairie de Paris voudraient pouvoir s'engager pour faire libérer des otages, mais seulement si leur libération a un fort impact médiatique - on préfèrera passer sous silence les échecs -, et si elle ne complique pas trop les ententes diplomatiques avec tel ou tel pays". Somme toute, cela exclut évidemment les otages d'Iran, d'Irak, de Somalie, de la bande de Gaza, de Lybie, du Cameroun, de Turquie, du Pakistan, etc. Je dis oui à la libération de l'utopie, non à celle de la manipulation publicitaire. Pour toute information sur les otages dans le monde, vous pouvez consulter le site : http://www.otages-du-monde.com/

jeudi 7 août 2008

X-Files Dégénération.

Grand fan de la série depuis ses débuts, je suis allé voir le dernier long métrage, X-Files Regeneration. La sortie du film nous a été annoncée relativement tard, et on pouvait se demander pour quelle raison faire revenir nos héros sur la toile, alors qu'ils ne font plus partie du FBI au dernier épisode de la série, et qu'ils se sont tous deux résignés à subir la fin du monde. On a beau le chercher pendant le film, le motif des retrouvailles est très très léger : "L'agent enlevé aurait pu être moi, ou toi, à une époque, Mulder" explique Scully. La trame sent le réchauffé et le rythme manque parfois franchement de souffle. Quelques incohérences déçoivent. Si ce n'est le plaisir de revoir le couple mythique sur écran, et les nombreux clins d'oeil qui font sourire, rien ne justifie un détour par les salles obscures pour aller assister à l'essoufflement de cette série.

mercredi 30 juillet 2008

La grande imposture du lait.

En regardant l'émission "Bien être" sur le thème de la ménopause (ouais, on s'amuse en vacances...), ce matin, une affirmation m'a surpris : il paraît que le lait est mauvais pour la santé ! Etant un grand consommateur de lait et de produits laitiers, je me suis empressé de vérifier cette information. Eh bien figurez-vous que l'image bienfaitrice du lait est une mystification honteuse, montée de toutes pièces par les industries laitières ! Je vais vous présenter - rapidement - les raisons pour lesquelles le lait n'est pas aussi bénéfique qu'on nous le dit pour l'être humain.

1- L'homme est le seul animal qui consomme le lait d'une autre espèce, et cela toute sa vie.
2- Le lait d'une espèce ne convient qu'aux petits de ladite espèce.
3- Le lait contient naturellement beaucoup de protéines et d'hormones de croissance prévues pour les petits.
4- Le lait est à l'origine de nombreuses maladies : première cause d'allergies alimentaires, troubles cardiaques, neurodermatites, cancer de la prostate et des reins...

Là où j'ai été le plus étonné, c'est quand j'ai découvert le mensonge scandaleux des publicitaires qui suggèrent que plus on consomme de produits laitiers, mieux on se porte. En effet, le lait contenant une grande part de protéines animales étrangères au corps humain, son système immunitaire est largement mis à contribution pour éliminer ces intrus, et s'en trouve affaibli pour lutter contre d'autres indésirables. De plus, il est vrai que le lait contient une forte part de calcium, mais l'absorption de grandes quantités de protéines a pour effet de décalcifier les os, le calcium des os étant mis à contribution lorsque le corps est acidifié par l'alimentation.

En conclusion : nous sommes tous libres de nos choix, à condition que leur cohérence ne soit corrompue par la propagande de coupables intérêts extérieurs.

samedi 12 juillet 2008

Chroniques d'un miracle en papier mâché.

Suis-je le seul à m'agacer du tapage médiatique autour de la libération d'Ingrid Betancourt ? Sans vouloir jouer le misanthrope, il me semble qu'on la voit un peu trop partout : certes, il est normal que sa libération ait fait l'actualité, mais je me pose quelques questions sur le phénomène médiatique Betancourt. Nous avons tous remarqué le contraste saisissant entre la dernière image de l'ex-otage, qu'on nous déclarait à l'agonie, et la vidéo tournée à sa descente d'avion, où elle se porte comme un charme. Les médias auraient-ils une fois de plus volontairement manipulé les masses ou tout simplement ont-ils brodé une histoire sur la première image, dont ils ignoraient complètement le contexte ? Plus encore, ce qui m'ennuie, c'est qu'on martèle les infos d'images de la profonde piété de Mme Betancourt : dès sa descente d'avion, prière à la Vierge ; visite à Lourdes ; rencontre du Pape... A quand l'annonce de la canonisation de la martyre ? A qui doit-elle sa liberté : à Dieu ou à l'acharnement d'êtres humains bien réels ? Il me semble évident que les médias cherchent à monter de toute pièce l'image d'une héroïne, qui manque tant à nos sociétés sans guerre. J'étais le premier heureux d'apprendre sa libération ; Mme Betancourt aurait-elle été autant soutenue si elle avait été une femme du peuple enlevée lors d'un voyage touristique ? Doit-elle sa survie à la Vierge ou à la notoriété de sa famille et au concours du Mossad et des U.S.A. ? J'attends vos commentaires.

mardi 8 juillet 2008

Excursion varoise.

Vendredi 4 juillet, premier vrai jour des grandes vacances, je pars aux aurores pour le sud, direction Hyères-les-palmiers. La sieste s'impose d'emblée, tant le contraste des températures entre Paris et Hyères est écrasant. Mrs B. arrive un peu plus tard, et l'on découvre ensemble les joies du mobile-home : le plafond est un peu bas pour mon mètre 93 et je sympathise très vite avec les plafonniers et les montants de portes ; chaque mouvement s'accompagne d'un tangage et l'on se met vite tous deux à danser le twist. Deuxième contraste, entre le jour et la nuit cette fois : on passe à -35°C, du coup, le petit drap qu'on pensait laaaaaargement suffisant à 18h, bah il semble bien léger... Samedi, réveil à +75 °C, légère transpiration avant, pendant et après la douche. Crise existentielle de Mrs B., qui se demande si son chapeau est vraiment assorti à sa robe ("mais oui, il est très bien..."), et pour moi, le calvaire commence lorsque j'enfile le pantalon à pinces 200% synthétique, la chemise boutonnée jusqu'en haut (Dieu, que c'est haut !) et la cravate. Pourquoi tout cet accoutrement ? Un mariage pardi ! La futur marié, Mr C., est prêt, porte très bien le costume, lui (jalousie), et la mariée, Miss L., est superbe. Direction la mairie - j'ai perdu 30 litres d'eau - brève cérémonie, mais qui ne peut s'empêcher de me tirer une larme. Puis l'église, avec son curé qui parle le français aussi bien qu'un platane, la Marguerite (vous savez, la vieille qui aide à l'office) prête à mordre au moindre écart, mais une cérémonie très touchante. Je lis mon petit texte en commençant par percer 51 tympans dans l'assemblée (Dieu, ce micro), puis Mrs B. lit ses strophes dans un ordre improbable, ensuite c'est l'échange des voeux et des alliances - re-larmes pour moi - et l'affaire est dans le sac. Les festivités commencent, se prolongent jusqu'à 4h du matin, ponctuées de surprises et de voeux aux mariés. Ambiance très sympathique, le bonheur flotte dans l'air. Dimanche, visite de Bormes-les-mimosas, très jolie petite ville dans les collines, un tour à la plage, un dernier repas et tout le monde au lit pour un retour matinal, le lendemain, à Paris, où la pluie m'attend...

mardi 1 juillet 2008

Et on enfile les perles !

Quelques perles du Brevet des collèges 2008 :

"L'époque de la vie du narrateur renvoie au passé."

"Michu produit l'effet de caïd."

"Le narrateur renvoie au passé de l'époque de sa vie."

"Le sens de "singulier" dans cette phrase veut dire le ton de la phrase."

"L'adjectif est approprié pour évoquer la réaction du narrateur car c'est tout à fait le sens de la phrase."

"Le sens du verbe initier, c'est qu'il a été initié dans le passé et maintenant le narrateur est initié."

"L'époque de la vie où renvoie la phrase de la ligne 32 à 33 est au futur car il explique qu'il se souvient encore de la menace."

"Le narrateur renvoie à l'époque (1874) entre le 18e et le 19e siècle."

lundi 30 juin 2008

Faites attention à la Marche.

Cette année, une Marche un peu décevante, qui ressemble de plus en plus à un carnaval plutôt qu'à une manifestation. Le thème de la manif' : "Pour une école sans aucune discrimination", qui me touche de près, a été très peu représenté, et était parfois complètement invisible sur les chars. Un constat : cette année, la Marche a été moins "ostensiblement sexuelle". La population homo commencerait-elle à se normaliser ? Reste un moment agréable passé en compagnie de personnes d'exception.

Non-Phénomène(s)

Dernière sortie de Night Shyamalan, qui nous a surpris avec des films parfois intéressants, Phénomènes est loin d'en être un : scènes d'angoisse prévisibles, scénario simpliste et lacunaire, émotions des acteurs proches de celles émises par un tournevis devant un pot de fleurs... Le plus regrettable est sans doute l'interprétation que l'on peut donner au dénouement : le problème se solde face à l'image d'une "famille retrouvée" et/ou face à "l'amour vrai des personnages". Dans tous les cas, une vision moralisante au ras-des-pâquerettes. L'idée d'une "revanche de la nature", d'une "éradication de la menace humaine" supposant une volonté (divine ?) attribuée à des herbes folles, on a beaucoup de mal à prendre tout cela au sérieux : ce n'est pas demain que j'aurai peur d'un sachet de thé ou des rosiers devant ma fenêtre...
Tapis de feuilles.

Il parlait au médecin pénitentiaire depuis plus d'une heure : "Mais enfin, tout de même, vous avez fracassé le crâne de ce pauvre homme avec votre talon !", finit par crier le docteur, irrité par l’apathie de son patient. Le regard vide du patient mit fin à la consultation ; il fut renvoyé dans sa cellule. Les minutes qu’il passait à ruminer s’y faisaient désespérantes, si bien qu’il s’enfonça aussi confortablement qu’il le put dans son lit et finit par s’assoupir.

La haute coupole de platanes jaunissants, ajourée d’étroites percées lumineuses, s’élançait au-dessus de sa tête ; Paul se revoyait au milieu du bois où, enfant, il aimait se retrouver seul. Il baissait les yeux pour ne pas affronter les dards du soleil, marchant sur des sentiers qu’il recréait à chaque pas. Il s’arrêta soudain : une feuille, accrochée à la plus basse branche d’un platane, et honteuse d’avoir été surprise par le temps, résistait aux appels de la terre. Elle balançait entre le désir de vivre une saison nouvelle et palpitante, et l’envie de dormir sur le tapis de ses sœurs. « Pourquoi hésites-tu, feuille, il est si naturel que tu cèdes au destin, que tu libères l’arbre qui t’a produite du poids de ta vie, que je conçois mal une telle hésitation ? », lui demanda-t-il, étonné. « C’est que je n’ai pas choisi de naître feuille et que ce qu’on me demande, je ne peux le concéder. J’aurais voulu être pierre pour vivre mille ans ; et l’arbre que j’ai nourri n’ignore plus ma nature ».

Une voix sourde et désagréable résonnait au loin ; l’image de cet homme qui, la veille, dans le métro, l’avait insulté tandis qu’il n’avait voulu donner, désolé, une pièce qu’il n’avait pas, revint à Paul. D’habitude, il donnait, même quelques centimes ; il se disait qu’il ne referait pas le monde, mais qu’après tout, ces pièces seraient plus utiles dans la main d’un sans-abri. Il se reprochait une pensée qui rendait ces gens coupables de leur état : « Mais enfin, comment peut-on s’en sortir si mal dans la vie ? » Souvent, il se disait que le malheur pouvait s’acharner, que les gens sont parfois cruels, que nous ne sommes pas toujours prêts au bon moment… Le matin même, Paul s’était réveillé dans son lit, avait cherché une chaleur de la main, et avait rencontré l’affreuse vérité du néant.

« Sale pédale ! », ruminait-il. L’insulte, tant de fois entendue, ne le quittait plus. Il savait bien que ces mots n’étaient pas véritablement pleins de sens, mais il se reprochait de ne pas avoir réagi à temps. Les pensées les plus injustes lui venaient, « Sale clochard, saloperie de parasite ! » : nul doute qu’il eût déchaîné l’indignation de toute la rame du métro s’il avait osé prononcer de tels mots. Il ne les aurait pas dits de toute façon, même s’il espérait qu’ils eussent fait sentir l’iniquité de l’injure qu’il avait reçue.

Pourtant il s’était battu déjà : une fois assumées ses tendances, il ne supportait plus qu’on les lui reprochât. Même, il s’était impliqué pour soutenir ses semblables, sans que lui-même fût directement visé. Ses vigueurs militantes s’étaient peu à peu tues en lui ; il avait renoncé. Il encaissait désormais et passait, las de devoir se battre contre le monde entier ; il n’y avait plus guère qu’avec ses amis qu’il osait encore monter au créneau. Paul s’était rendu au bureau, prêt à affronter les blagues de ses collègues. Il y en avait toujours une ou deux dans la journée qui s’en prenaient aux gens comme lui, surtout aux hommes, avait-il remarqué. Il riait, jaune, mais riait. Trois ans auparavant, il s’était affiché ouvertement dans son précédent emploi : il n’ignorait pas que, parmi ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques, plusieurs étaient comme lui. Cependant, il n’avait pas senti qu’il était mal vu de parler de ce genre de choses dans cette entreprise-là, que les clients n’étaient pas aussi ouverts d’esprit que cela, que même certains d’entre eux iraient à la concurrence. On ne l’avait pas renvoyé ; on lui avait seulement expliqué que si on peut sortir du placard, on peut aussi y retourner. Et il était parti.

Paul, depuis, relevait ce qu’il appelait les « signes du rejet social» : il était de plus en plus persuadé que les homosexuels seraient à nouveau victimes d’une persécution massive de la société, comme cela avait été le cas juste après « les années folles » en Europe. Il guettait particulièrement les discrètes mesures gouvernementales qui visaient à étiqueter sa minorité et à l’isoler. Certains projets d’inscrire aux renseignements d’un plaignant son homosexualité, révélée lors d’une déposition au poste de Police, ou d’enquêter sur l’impact de l’homoparentalité sur l’éducation des enfants l’inquiétaient particulièrement : « Mais enfin, Hitler avait bien commencé par différencier et par lister les Juifs et les Homosexuels pour optimiser ses futures persécutions ! » Il redoutait que la France glissât vers de telles rengaines.

La journée au bureau n’avait pas été si mauvaise : il avait reçu un gros client dont l’assistant, timidement, avait osé un sourire dans le dos de son chef. Paul n’avait pas répondu à ce sourire, de peur de se compromettre, son regard trahissant néanmoins son désir à plusieurs reprises. Il avait bien vu qu’à la fin de l’entretien, le petit assistant attendait un signe de sa part, mais non, il s’y était refusé. Il ne mettrait plus en danger sa carrière pour un garçon qui le quitterait, de toute façon, au mieux quelques mois plus tard. Cette petite lueur lui avait toutefois fait plaisir. Le temps s’était écoulé plus vite, et Paul était parti du bureau satisfait de son nouveau contrat.

Le soir, il avait un dîner ; c’était l’anniversaire d’Anna, sa meilleure amie. Il la connaissait depuis une douzaine d’années et elle avait été la première à apprendre la nouvelle. Paul s’était trouvé seul au repas face à deux couples. La discussion fut d’abord très civilisée ; on ne parla ni politique, ni argent. Cette politesse, il la respectait, même si elle l’ennuyait sérieusement. Anna lança la première le pavé dans la mare : elle s’était promenée avec son mari, le dimanche précédent, dans un drôle de quartier tout de même. Elle savait bien qu’en faisant cela, elle forcerait les convives à sortir de leurs gonds. « Perfide Anna, elle sait bien que je vais réagir si quelqu’un dit un mot de travers. », se disait Paul. Le mari d’Anna commença : « Je me demande si tous ces homos du milieu ne vont pas un peu trop loin en s’affichant aussi ouvertement dans les lieux publics. » Le pavé était de taille, en effet.

- Ah, cela te choque ? Où est le problème, d’après toi ? demanda Paul.

- C’est-à-dire…la société vous a accordé beaucoup de droits depuis quelques années, et vous réclamez toujours plus, affirma le mari d’Anna.

- Accordé ? C’est curieux, j’avais l’impression que ces droits étaient le fruit d’une lutte acharnée contre la société. Nous ne réclamons qu’une chose, c’est qu’on ne nous traite pas comme des citoyens à part.

- Tu vois bien, vous êtes paranoïaques, vous pensez que la société vous veut toujours du mal. Il suffirait de ne pas autant vous afficher pour qu’on vous laisse plus tranquilles, non ?

Paul n’eut pas le temps de répliquer car, parmi l’autre couple, la femme prit la parole :

- Paul, nous sommes tous d’accord ici pour dire que la société vous doit le respect, car vous l’avez durement gagné. Nous t’aimons tous ici et nous t’avons accepté comme tu es. Il n’en demeure pas moins que l’homosexualité n’est pas une pratique naturelle. Nos instincts nous imposent tout de même d’aller vers le sexe opposé pour nous reproduire, non ? Qu’adviendrait-il d’une société tournée vers son propre plaisir et non vers ses nécessités premières ? En revanche, il n’en reste pas moins que la société a le devoir de tolérer ses minorités.

- Je te remercie de ta tolérance, ironisa Paul, et j’entends là des arguments ancestraux. Savez-vous que dans la nature, puisqu’il est question de cela, plusieurs animaux connaissent ce phénomène ? Pour moi, ce n’est pas la société qui génère l’homosexualité : la société s’affaire seulement à la réprimer. Et quand je dis société, je devrais préciser que je parle d’une société où pèsent les valeurs des religions qui encouragent l’expansion démographique et qui, de fait, ne peuvent accepter les comportements stériles. Vous autres, si laïcs soyez-vous, colportez des stéréotypes vieux de plusieurs millénaires. Ainsi, condamnez-vous un couple sans enfants sous prétexte que cela n’est pas naturel ? Non, ce qui vous gêne quand vous voyez un homosexuel, quelque sympathie que vous ressentiez pour lui, c’est l’image qu’il vous renvoie de vous-même. De quoi avez-vous peur, au fond ? Qu’on vous force à être homosexuels ? Toi, tu as peur d’être violée par une femme ? Votre violence est à la mesure de votre conformisme : c’est de cela dont nous avons assez. Nous en avons assez de vos arguments sur la nature, assez de vos pseudo-théories psychiatriques, assez de vos stéréotypes de la « Cage aux Folles ». Nous n’en pouvons plus d’être tolérés par vous, car nous ne sommes pas une minorité. Nous sommes parmi vous comme vous êtes parmi nous. Cessez donc de nous tolérer et nous arrêterons de nous pavaner dans les rues. Vous savez ce qui me fait le plus mal : ce ne sont pas tant les insultes – on dira qu’elles proviennent le plus souvent d’idiots, mais qui ont au moins le courage de leur bêtise – non, ce sont, bien plus, ces discours en apparence bienveillants à notre égard, et qui cachent des pensées immondes.

- Paul, ne t’énerve pas comme ça, voyons ! On te dit seulement qu’on ne peut pas mettre sur le même plan d’égalité l’homosexualité et l’hétérosexualité, qui reste une sorte de norme. Même les psychologues admettent que c’est une sorte de déviance, nous n’inventons rien, Paul !

Les convives persistaient dans leur conviction, et ce fut un regard furieux de Paul qui mit fin à la discussion. La lutte était loin d’être terminée. Froissés des deux côtés, on s’empressa de changer de sujet. L’assemblée parla amour. Paul détestait qu’on parlât d’amour. Ce mot lui était devenu si étranger, ces dernières années, qu’il avait du mal à suivre ce genre de discussion. Les victoires s’étaient défaites, lentement, et il n’arrivait plus à aimer. Il s’imaginait, aux prises avec ses contradictions, que deux hommes ne sont pas faits pour vivre ensemble, qu’ils sont trop égoïstes, que c’est comme tenter de forcer l’huile et l’eau à se joindre, qu’on a beau mélanger de toutes ses forces, elles finissent toujours par se séparer. Paul prétexta un mal de tête pour remercier Anna. Il habitait non loin de là et avait décidé de rentrer à pieds ; le métro, il avait eu sa dose, la veille.

Paul marchait, lentement, sur la chaussée d’une avenue haussmannienne. Il était déjà tard, les réverbères diffusaient une lumière pâle et les ombres se confondaient au sol. Il réfléchissait à ce qui avait été dit, pensait qu’il avait peut-être tort de vouloir passer inaperçu, mais qu’enfin il n’avait plus l’âge de lutter, que ce qu’il avait lui suffisait. C’était l’automne et les passants n’étaient pas légion dans ce quartier huppé de la capitale. Paul flânait, rien ne l’attendait chez lui. « Si j’avais été hétéro, tout aurait été plus simple, se répétait-il, je serais sans doute marié aujourd’hui, j’aurais des enfants. Tout le monde serait fier de moi, et on me ficherait la paix ».

Tandis que Paul avançait, les quelques regards qu’il croisait devenaient insistants. Mais qu’avaient-ils, ceux-là, à le dévisager comme ça ? Perdu dans ses réflexions, il rencontra une bande de jeunes, visiblement d’une banlieue proche ; ils se mirent à rire lorsque l’un d’entre eux regarda Paul de la tête aux pieds. Les idées s’embrouillaient : ses amis lui avaient échauffé l’esprit et il ressassait des idées de complot. Il continua sa route, espérant qu’elle lui fût dégagée entièrement. Sans vraiment en cerner la raison, il sentait monter en lui l’adrénaline, bouillait du tumulte de ses idées.

Paul était arrivé dans sa rue. Il était minuit moins le quart, une ombre mollement remuait, étalée dans le renfoncement d’une vitrine. Le visage de Paul clignotait de rouge et de noir, reflétant les néons de la devanture : il s’approcha de l’ombre, qui dormait sur un épais tapis de feuilles mortes, et d’où une face fit irruption au bruit de ses pas. Ce visage, Paul le reconnut aussitôt : c’était celui de l’insulte qu’il ne pouvait plus affronter. La masse grommela de vagues paroles. Paul, dont le visage s’était pétrifié, avança lentement, leva le pied droit et, de tout son poids, fit craquer les feuilles mortes.